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PALÉOSPACE : le projet d’interdiction de ramassage des fossiles sur notre plage dans « le Journal des Arts ». À lire ci-dessous

26 mars 2023
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En Normandie, un projet de réserve naturelle fait débat

Par Héloïse DÉCARRE · LE JOURNAL DES ARTS

« La création de la réserve pourrait limiter le ramassage des fossiles en contrebas des falaises jurassiques du Calvados. Abandonné à la mer, ce patrimoine unique risque de disparaître.

Villers-sur-Mer. Sur les plages du Calvados, on ne trouve pas seulement les vestiges du Débarquement, mais aussi ceux de la période jurassique. Il y a 160 millions d’années, la Normandie se trouvait sous la mer. De ce passé immémorial subsiste un patrimoine scientifique et naturel, les fossiles, restes d’animaux marins (crustacés, poissons, reptiles, requins et même dinosaures) piégés dans les sédiments formant les falaises actuelles. Sur de nombreux sites, comme celui des Vaches noires, entre Villers-sur-Mer et Houlgate, l’érosion provoque la chute de ces objets directement sur l’estran.

Ces « trésors » naturels ne restent pas longtemps sur la plage, car depuis plusieurs siècles habitants et paléontologues amateurs viennent les récolter, et pour certains les apportent aux autorités. À partir de 2011, ces découvertes sont conservées au Paléospace de Villers-sur-Mer. « Nous fonctionnons sur un principe de sciences participatives, explique Karine Boutillier, directrice du musée. Grâce aux dons de fossiles provenant de collections d’amateurs, nous avons pu mener 40 études scientifiques en douze ans. »

Une mobilisation contre l’interdiction de collecte
Un principe de bonne entente qui risque d’être mis à mal par le projet de création d’une réserve naturelle nationale, émanation du Plan biodiversité piloté par le gouvernement. Une des conséquences de ce classement portant sur 37 kilomètres de côtes, est l’interdiction totale de prélèvement de fossiles. Toute infraction sera punie d’une amende pouvant s’élever jusqu’à 750 euros.

« Le musée est sorti de terre grâce aux collections des amateurs, rappelle Karine Boutillier. Nous possédons un label “Musée de France”, nous avons donc l’obligation d’enrichir nos collections. Après cette interdiction, il sera très difficile de poursuivre notre mission », craint la directrice du Paléospace. Habitants et élus locaux se joignent à l’indignation des scientifiques. À la fin de l’été 2022, une enquête publique est réalisée. Sur un total d’environ 900 contributions, plus de 697 personnes déclarent se positionner contre, non pas la réserve, mais l’interdiction de collecte des fossiles sur la plage. Malgré cette mobilisation, un avis favorable au classement est rendu.

Un collectif, l’Association de défense de la paléontologie normande (ADPN), est créé, avec à sa tête Éric Buffetaut, paléontologue et directeur de recherche émérite au CNRS. De son côté, la direction régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (Dreal), qui administre le dossier, indique souhaiter la préservation des sites, et s’associer à la démarche de plusieurs défenseurs de ce patrimoine voulant mettre un terme à ce qu’ils estiment être un pillage des fossiles à des fins de collections privées, voire de vente. « C’est un mythe, rétorque Laurent Puglisi, membre de l’ADPN et paléontologue amateur. Le véritable pillage, c’est la mer qui l’accomplit. L’État ne veut rien préserver rien du tout, il veut laisser les choses se détruire. » En effet, si les fossiles ne sont pas ramassés, ils sont emportés par la mer à la première marée. Nathalie Bardet, directrice de recherche au CNRS et présidente de l’Association paléontologique française, redoute même un effet pervers à ces mesures. « Nous craignons l’instauration d’un marché parallèle, où les fossiles se vendront sous le manteau… Commerce qui n’existe pas aujourd’hui ! », affirme-t-elle.

Amateurs et paléontogues, des objectifs distincts
Tous les scientifiques ne s’opposent cependant pas à cette interdiction. Jacques Avoine, président de l’association Patrimoine géologique de Normandie, a été consulté lors de la préparation du dossier de création de la réserve. Il rappelle que l’accès aux falaises, trop dangereux, est déjà réglementé par de nombreux arrêtés municipaux, et que le ramassage des fossiles sur la plage n’est qu’une tolérance, les falaises des Vaches noires étant déjà classées.

La Dreal a toutefois prévu des exceptions à l’interdiction de ramassage. À condition d’adhérer à une association ayant passé une convention avec la réserve, et en cas d’opérations à visées scientifiques ou pédagogiques, le ramassage pourra continuer. Mais individuellement, il restera proscrit. Pour Nathalie Bardet, cette solution n’est pas adaptée. « Les amateurs sont plus souvent présents sur le terrain. En tant que paléontologues professionnels, nos objectifs sont bien différents et ne se limitent pas aux campagnes de fouilles », certifie-t-elle.

Des représentants politiques locaux montent au créneau. Sénateur LR (Les Républicains) du Calvados, Pascal Allizard a adressé fin février une question écrite au ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu. L’élu « souhaite savoir si le gouvernement entend prendre en compte les observations des collectivités territoriales concernées et l’avis des paléontologues, et revenir sur le principe de l’interdiction de collecte des fossiles dans le cadre du projet de réserve. » Il s’inquiète aussi des conséquences sur le tourisme local, stimulé par la recherche de fossiles. Christophe Blanchet, député (MoDem) de la 4e circonscription du Calvados, prévoit, lui aussi, de questionner l’Assemblée nationale. Il s’interroge sur l’absence d’implication dans ce dossier des ministères de la Culture et de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

En attendant, le projet doit être présenté ce mois-ci pour avis au Conseil national de la protection de la nature (au sein duquel ne siège aucun paléontologue), avant une consultation interministérielle, puis l’avis du Conseil d’État. La Dreal espère une publication du décret de création de la réserve au début de l’année 2024. D’ici là, les acteurs locaux continuent de se mobiliser pour sauver ce qu’ils considèrent comme un « patrimoine scientifique et culturel inestimable ».

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